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Mariage forcé : le combat au Burkina Faso

Le Burkina Faso, ce pays qui m’a vue naître et grandir compte à ce jour une population de plus de 20 millions d’habitants composés en plus de 60 groupes ethniques. Au cœur de ce brassage humain se trouvent des familles et des individus ayant des croyances et coutumes traditionnelles qui leur ont été transmises de génération en génération depuis la nuit des temps. Dans ce monde en perpétuelle évolution, nous sommes tous en quête d’un lendemain meilleur. Malheureusement, plusieurs de nos traditions n’ont guère emboîté le pas de l’évolution, si bien que plus de 60 ans après les indépendances perdure encore le combat pour supprimer certaines d’entre elles jugées atroces.

Dans plusieurs groupes ethniques de mon pays existe une vieille tradition, encore pratiquée aujourd’hui : le mariage précoce et forcé. Un mariage est considéré comme forcé lorsque l’un des époux (ou les deux) est contraint de se marier sous une quelconque pression.

Selon l’UNICEF, dans mon pays, plus de 52 % des femmes sont mariées avant l’âge de 18 ans, dont 10 % avant l’âge de 15 ans, des chiffres alarmants. Ces mariages sont motivés par plusieurs raisons : la pauvreté, la consolidation des liens familiaux ou encore l’inégalité des sexes car très souvent, la jeune fille est considérée comme inférieure au jeune garçon. Très fréquents dans les zones rurales, les mariages forcés sont à l’origine de conséquences désastreuses tant sur le plan physique que psychologique. En effet, la plupart d’entre elles sont déscolarisées après leur mariage, exposées à des violences conjugales et surtout à des grossesses précoces qui mettent en danger leur vie.

Crédit Photo : Alexandre Sessime via Iwaria

Je me souviens encore de cette fille âgée de 16 ans venue de Tenkodogo (ville située à 185 kilomètres de Ouagadougou), élève en classe de 4e, en quête d’emploi pour assurer ses frais de subsistance, embauchée comme fille de ménage par mes parents. Cette fille, exemple de combativité pour moi, a malheureusement été mariée de force à un homme 3 fois plus âgé qu’elle, parce que ses parents aspiraient à une vie meilleure.

Elle s’est battue avec le soutien de mes parents qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour lui éviter ce triste sort. Étant mineure, ils n’avaient hélas aucun droit de décision et elle ne souhaitait pas intenter une action en justice contre ses parents. J’étais seulement âgée de 9 ans au moment où se déroulaient ces évènements, mais j’ai été à jamais marquée. Delphine, elle s’appelait, a vu ses rêves de devenir infirmière, brisés à jamais.

C’est une situation révoltante qu’aucune jeune fille au monde ne devrait vivre. Cette génération souhaite un réel changement car le pourcentage de femmes mariées précocement au Burkina Faso est l’un des plus élevés de la sous-région.

Plusieurs actions sont entreprises et ce depuis plusieurs années, pour dénoncer et sensibiliser au maximum les populations, les chefs de cantons et de villages afin que cette pratique soit abolie.

C’est dans cette optique qu’est sorti un court métrage, “Alima”, réalisé en 2010 par Kouka Aimé ZONGO. Disponible sur YouTube, cette mini-série de 18 épisodes relate l’histoire d’une brillante élève, Alima, âgée d’à peine 14 ans, mariée de force à un riche commerçant de son village. Dès lors, sa scolarité est suspendue, elle se retrouve très vite enceinte et vit un accouchement très difficile au bout duquel son bébé ne survivra pas. À la suite de ces évènements tragiques commence pour elle un calvaire car cet accouchement lui laisse des séquelles graves, notamment une fistule obstétricale, maladie alors très tabou, méconnue et d’ailleurs taxée de malédiction. Stigmatisée par tous, Alima trouvera la voie du salut grâce à une association bénévole qui effectue des sensibilisations afin de lever le voile sur cette maladie. Ce programme largement diffusé sur les chaînes de télé et radio nous montre clairement les conséquences dramatiques des mariages précoces. Elle nous raconte l’histoire d’Alima, mais également celle de plusieurs autres jeunes filles qui comme elle, traversent l’enfer car mariées trop tôt.

Crédit Photo : NG Photos via Iwaria

L’autre action majeure qui a été posée est la campagne “Ne m’appelez pas madame” lancée par l’UNICEF en partenariat avec les artistes et personnalités influentes de la jeunesse du Burkina. C’est notamment le cas de l’artiste Smarty (Prix RFI découvertes 2013), symbole d’une jeunesse engagée qui réclame le changement et se bat pour l’obtenir. Un titre intitulé « Ombre de la nuit » composé par ce ténor du rap Burkinabè à l’issue de cette campagne a également posté sur YouTube. Vu près de 100.000 fois, ce clip poignant retrace l’histoire vraie d’une jeune fille de 16 ans qui l’avait contacté pour lui en parler. Son partenariat avec l’UNICEF lui a donné l’occasion d’en faire une chanson qui a été l’hymne de la tournée organisée en parallèle.

Credit photo : Children’s day via pixabay

Lancée le 6 mars et achevée le 7 septembre 2019, cette caravane de sensibilisation a parcouru plusieurs régions afin de faire passer le message à toutes les générations. Message qui a largement été entendu puisque le public a été touché et a volontairement participé aux concerts et autres activités prévues par le comité permettant ainsi d’impacter plusieurs parents et jeunes à travers le pays.

La culture et la tradition représentent l’identité remarquable d’un peuple, sa particularité, son essence. Mais certains parents poussés par de mauvaises raisons se cachent derrière le sceau des traditions pour poser des actes destructeurs pour les vies de leurs filles. L’enfance et l’adolescence sont des étapes importantes de la vie de tout être humain, de toute jeune fille.

Crédit Photo : Iwaria

Aucune d’elles ne mérite de voir son adolescence abrégée. Une société idéale serait une société où chaque enfant est scolarisé, épanoui, heureux et peut rêver d’un futur où il réaliserait ses désirs de réussite les plus chers. Je pense que nous, jeunes de cette génération devons nous battre pour construire cette société idéale, nous le devons à nos descendants.

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itinerairedevie

Commentaires

Simon Decreuze
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Bienvenue sur Mondoblog !

Leni
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Il est temps qu’on change de mentalité, disons non , cette pratique doit cesser, on a le droit de dire non, d’aller à l’école.
Souffrir pour le bonheur des gens, la série Alima est illustration parfaite

Nassinass
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Le combat doit continuer !