Depuis plusieurs années, le réchauffement climatique est un sujet d’actualité. Ses conséquences se ressentent fortement et sont de plus en plus désastreuses. Face à cette situation, plusieurs personnes entreprennent des actions à petite et à grande échelle afin de trouver une solution à ce problème. C’est le cas de Madame Paulette Atchadé Savimbi, présidente de l’ONG Pauly Afrique Bio. De passage à Dakar, elle a souhaité partager quelques instants avec moi afin que l’on discute de son parcours, de sa vision mais surtout de son combat : itinéraire d’une activiste écologiste.
Qui est Paulette Atchadé Savimbi ?
Paulette Atchadé Savimbi est une jeune femme activiste des questions climatiques et environnementales et présidente de l’ONG Pauly Afrique Bio. Je suis à Dakar pour la préparation de la semaine du climat et de la mobilité. J’ai aussi été sélectionnée il y a quelques jours pour participer à l’Assemblée du mouvement panafricain qui se tiendra en Tanzanie. Je tiens à préciser que j’ai un diplôme de licence en administration des finances et un master en gestion de projets obtenus au Bénin.
Pourquoi vous êtes vous orientée vers les questions environnementales après avoir suivi une formation totalement opposée ?
Cette question revient fréquemment. La motivation m’est venue après ma première maternité. Un jour j’étais au marché et le soleil me brûlait tellement que je me suis demandée comment les enfants supportent les effets du réchauffement climatique si même les adultes peinent à s’y adapter.
Suite à cela j’ai commencé à faire des recherches sur les causes de la destruction de la couche d’ozone. C’est ainsi que j’ai connu les effets des sachets plastiques qui sont surutilisés dans les commerces au Bénin et en Afrique.
Pourtant, un sachet plastique reste dans l’environnement pendant plus de 400 ans. Quelque chose que je jette qui va subsister après moi et plusieurs siècles après. C’est pourquoi en 2017 j’ai installé une entreprise de production d’emballages papiers biodégradables. J’ai installé une firme de production après avoir suivi des formations nationales et internationales.
A l’issue de cela, la directrice de l’office nationale de l’emploi de Kinshasa m’a repérée et m’a demandée de venir former des femmes. C’est ainsi qu’en 2018 j’ai formé 120 femmes et jeunes sur les techniques de fabrication des emballages, l’autonomisation de la femme, les méthodes de recyclage et aussi sur l’entrepreneuriat.
En quelle année a été créée l’ONG Pauly Afrique Bio ?
Nous avons reçu notre récépissé d’enregistrement le 25 janvier 2021 mais les activités avaient déjà commencé avec Pauly Emballages Bio qui avait débuté en 2017.
Quelles sont les actions majeures qui ont été posées par l’ONG ?
De façon sommaire nous pouvons d’abord citer la sensibilisation des jeunes sur les gestes écologiques à appliquer au quotidien. C’est une sorte d’éducation écologique. Ensuite, il y a les reboisements. En 18-19 mois nous avons déjà planté plus de 10.000 pieds dont 5000 plants forestiers, 6000 mangroves et 300 plants fruitiers à travers le sud et le nord du Bénin.
L’ONG a-t-elle déjà eu l’opportunité de participer aux grandes conférences climatiques telles que les COP ?
Oui, l’année dernière nous avons été représentés par notre directeur exécutif monsieur Credo Gansou à la pré-COP qui est un creuset de jeunes acteurs du changement climatique. C’était en Italie. Et j’ai moi-même été à la COP 26 à Glasgow au Royaume-Uni.
Existe-t-il un système d’adhésion pour votre ONG ?
Oui, nous lançons de temps en temps des avis d’adhésion avec des formulaires à remplir. De plus, très souvent certaines personnes qui tombent sur nos pages sur les réseaux sociaux nous contactent pour adhérer. Nous faisons des adhésions tous les jours.
Avez-vous prévu d’étendre les activités de l’ONG Pauly Afrique Bio hors des frontières du Bénin ?
Cela est effectivement prévu. La preuve je suis présentement à Dakar pour la préparation de la semaine du climat et de la mobilité. Cependant, nous avons aussi prévu de prospecter pour voir dans quelle mesure étendre nos activités. Comme je l’ai dit tantôt nous avons déjà sensibilisé à Kinshasa. Des jeunes de l’ONG participeront à des activités au Togo organisées par EcoloTrip. Nous avons donc bien l’intention d’étendre nos activités hors du Bénin.
Un combat écologique noble
Et comment est financée l’ONG ?
C’est une excellente question parce qu’à ce jour l’ONG Pauly Afrique Bio est malheureusement financée sur fonds propres. Le seul partenariat que nous avons eu était pour le reboisement des mangroves. Le partenaire avait découvert nos activités sur les réseaux sociaux et a souhaité suivre notre exemple en offrant 1000 mangroves à la communauté. Il s’agit de Webhelp Bénin.
Pour la COP 26, nous avons eu l’appui financier du ministère du cadre de vie pour y aller. Nous postulons toujours pour des projets mais malheureusement on se heurte toujours à la barrière de l’ancienneté. Les financiers trouvent que pour obtenir des financements il faut avoir au moins 2 ans d’ancienneté pourtant nous avons réalisé des actions majeures que certaines ONG n’ont pas réalisées en 10 ans. A travers notre dynamisme nous avons montré notre volonté de faire bouger les choses. Pourtant ce problème d’ancienneté nous ferme toujours des portes.
Votre ONG porte en particulier la voix des femmes et des enfants. On entend régulièrement parler des effets des changements climatiques sur les saisons. Mais quels sont les effets sur les femmes et les enfants ?
Les changements climatiques ont des effets très graves sur les femmes. Dans les zones rurales, les femmes sont responsables de l’approvisionnement en eau et en nourriture. La sécheresse entraine le tarissement des cours d’eau, obligeant ainsi les femmes à parcourir plusieurs kilomètres pour trouver de l’eau, ce qui les expose à toutes sortes de dangers tels que les viols et les agressions.
En outre, l’élévation des températures est à l’origine de fausses couches dans certaines régions. Lorsqu’il y a des pluies diluviennes, le cadre de vie et d’épanouissement de leurs enfants est perturbé. A mon avis, il faut informer les femmes sur les effets des changements climatiques et les mesures d’adaptation.
On constate que lors de vos campagnes de reboisements, les principaux plants utilisés sont les palétuviers de mangroves. Y a t-il une raison particulière à cela ?
Ma participation à la COP 26 m’a révélé énormément de choses. J’ai découvert les objectifs de la convention cadre des Nations-Unies dont l’une des priorités est de réduire les gaz à effet de serre pour ne pas excéder la barre des 1.5 degrés Celsius annoncée par le GIEC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Par ailleurs j’ai découvert que les écosystèmes de mangroves pouvaient capter plus de gaz carbonique que l’Amazonie.
Je connaissais les mangroves, je vivais même avec mais je n’avais pas conscience de leurs bienfaits. Après visites dans nos zones Ramsar, avec stupéfaction je me suis rendue compte que les mangroves étaient coupées. Les populations n’étant pas informées de l’utilité de ces plantes sur les plans adaptation et atténuation des changements climatiques, coupaient ces mangroves pour leurs activités quotidiennes.
Je me suis donnée comme objectif de restaurer au moins une zone. J’ai décidé de sensibiliser et communiquer à ce sujet et heureusement je suis tombée sur des personnes très chaleureuses et réceptives qui ont vite compris le message. Suite à cela, ce sont eux-mêmes qui font aujourd’hui le suivi, prennent soin et protègent ces mangroves des feux de brousse. Les palétuviers sont les plantes qui grandissent pour devenir des mangroves.
Créer des concepts pour éduquer à l’écologie
Sur vos réseaux sociaux, on remarque deux concepts : Action Anniversaire Bio et Climate Online Education. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Action anniversaire bio reste dans l’optique de la lutte contre le réchauffement climatique. Je pense que la population ne doit pas rester en marge de ce combat. Quand je regarde l’environnement où je vis, par leurs attitudes, j’ai l’impression que les gens sont insouciants sur ce qui se passe concernant cette cause. Depuis que j’ai appris les réelles conséquences du réchauffement climatique, je travaille tous les jours à innover et proposer des solutions.
J’ai été une fois invitée à un anniversaire, c’est d’ailleurs de là qu’est parti le concept. La fête était tellement somptueuse que j’étais choquée. L’investissement juste pour la salle pouvait servir à un reboisement de plus de 5000 mangroves. Je me suis dit pourquoi ne pas reboiser au lieu de faire des fêtes qui vont encore polluer l’environnement ?
L’idée est donc venue de cette façon. Chaque jour il y a un anniversaire, si chacun décide de faire un reboisement de 100 plants à son anniversaire, d’ici 2030 on aura fait un gros pourcentage de reboisement. C’est une action concrète menée par chacun de nous sans que l’on ait besoin d’attendre que le gouvernement initie des projets.
Online Climate Education est un concept auquel j’ai pensé parce que nous sommes une génération hyperconnectée. Or, nous avons des difficultés à réunir même des enfants parce que cela demande beaucoup de protocoles et de moyens que nous n’avons pas forcément. Je me suis formée de façon autodidacte. J’ai collecté plusieurs informations que j’ai archivées et j’ai envie de les mettre à la disposition du grand public afin de sensibiliser.
Nous allons donc lancer une série de visuels et de vidéos chaque mois à partir du 1er septembre 2022. Nous allons aborder 12 thèmes sur 12 mois. Ceci est l’avant projet. En fonction de la réceptivité des internautes nous allons ensuite traduire ces vidéos en langues nationales et les diffuser pour toucher les populations en zones rurales également.
Au delà des reboisements l’ONG Pauly Afrique Bio a-t-elle pour objectif de se lancer dans d’autres actions comme l’agriculture biologique par exemple ?
Cette année nous avons reçu deux stagiaires dont l’un s’intéresse à la production de tomates bio. Nous nous intéressons énormément à l’utilisation d’intrants bio afin de réduire les intrants chimiques.
Quel est votre dernier mot ?
Premièrement, je tiens à remercier à tous les niveaux, nos partenaires, pas forcément financiers mais aussi ceux qui soutiennent nos actions. En particulier monsieur le ministre du cadre de vie et du développement durable du Bénin M. José Tonato qui a vu du potentiel en notre jeune ONG et a cru en nous. Je remercie les différents maires des communes où j’ai mené des actions. Aussi, le campement loin du bruit de M. Théophile Agbofoun qui soutient et facilite toutes nos activités. Le message que je voudrais adresser c’est que l’on a besoin d’aide dans les renforcements de capacités.
Les jeunes aujourd’hui sont une force et ont du potentiel pour atteindre les objectifs fixés par la convention cadre des nations unies. Mais pour cela, nous devons avoir l’information. Sans l’information c’est difficile de proposer des actions efficaces. C’est le renforcement des capacités qui nous intéresse. Et surtout faciliter l’accès des femmes aux instances décisionnaires sur la lutte contre le réchauffement climatique. Je ne manquerai pas de vous remercier également pour avoir accepté de faire cette interview.
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